

Coupés, mais pas incomplets
Parfois, un simple rectangle de papier raconte plus que mille mots.
Dans le silence apparent des collections philatéliques, certains timbres crient l’urgence, murmurent la débrouille et témoignent d’une époque bousculée.
C’est le cas des timbres coupés : littéralement sectionnés en deux, voire en quatre, puis réutilisés comme affranchissement.
Une pratique insolite, étonnante, mais bel et bien réelle — et parfois même validée par les services postaux eux-mêmes.
Ces découpages ne sont pas l’œuvre d’un collectionneur fantasque ou d’un enfant distrait. Ils traduisent une réalité bien plus grave : celle d’une pénurie, d’une guerre, d’un bouleversement logistique.
Pendant la guerre de 1870, dans certaines colonies ou lors de réformes tarifaires imprévues, les bureaux de poste manquent de valeurs faciales précises.
Que faire quand il faut affranchir une lettre et que l’on n’a pas le bon timbre sous la main ?
Le postier improvise : il coupe, colle, oblitère — et parfois, son collègue à l’arrivée taxe malgré tout la lettre… car même dans l’urgence, la rigueur postale veille.
Parmi les exemples les plus fascinants :

Le 10 centimes Empire ou Cérès,
Suite à la réforme tarifaire de septembre 1871, le 10 centimes est coupé en deux pour composer un affranchissement à 25 centimes , comme sur cette lettre datée du 15 septembre 1871.
L’émission du 10c Siège, avec ses couleurs vives et son oblitération nette, témoigne de l’ingéniosité d’une époque en crise.

Le 20 centimes également sectionné
Le 20 centimes coupé en deux également, ici avec un magnifique cachet à date oblitérant le timbre et ne laissant aucun doute quant à son authenticité. Le tarif à 10c correspond au tarif en vigueur en 1863 pour les lettres de la ville pour la ville.

Le 40 centimes divisé en deux,
Sur cet exemplaire du 4 novembre 1870, le timbre est coupé en deux pour faire 20 centimes.
La guerre franco-prussienne entravait la distribution des nouvelles émissions de Bordeaux, poussant les postiers à faire preuve de créativité pour répondre aux besoins urgents.
Les timbres à 20c de l’émission de Bordeaux n’ont été émis qu’à partir du 13 novembre 1870

Le spectaculaire 80 centimes Empire ou Bordeaux,
Parfois découpé en quatre !
Une rareté absolue — seuls trois ou quatre plis sont connus à ce jour.
Une pièce exceptionnelle, comme ce n°32 envoyé à Paris.
Et la France n’est pas seule….
Dans les colonies — à Djibouti, à Madagascar —, le découpage des timbres en période de disette postale était une habitude presque administrative.
Au-delà des frontières françaises, cette pratique se retrouve aussi dans l’empire britannique.
Le Nouveau-Brunswick (Canada) en est un bel exemple comme le montre la lettre ci-dessous : les timbres y étaient fréquemment coupés pour s’adapter aux différents tarifs.
Une lettre à 1 shilling pouvait ainsi se transformer en un affranchissement parfaitement valable à 6 pence.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : tous les timbres coupés ne sont pas synonymes d’authenticité. Seuls ceux réellement utilisés en période de pénurie, et reconnus par les autorités postales, ont une véritable valeur historique et philatélique.
Ce sont ces fragments de papier, à la fois improvisés et essentiels, qui font vibrer les cœurs de collectionneurs.
Ce voyage vous a permis d’explorer, peut-être pour la première fois ou avec un regard nouveau, ces trésors découpés… véritables témoins de l’histoire postale.

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